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L’espionnage économique menace les PMe
Christophe Cornevin, le Figaro
mercredi 30 novembre 2005, sélectionné par

Les services de renseignements de la police nationale ont mis à jour des pratiques de déstabilisation ou de prises de contrôle d’entreprises travaillant dans des secteurs sensibles.
CHEFS d’entreprise, délégués syndicaux, milieux financiers : depuis l’entrée en vigueur d’une circulaire du 29 avril dernier portant sur l’intelligence économique, la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) a mis en alerte ses « antennes » sur l’ensemble du territoire. A l’instar de la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage) chargée de détecter toute menace visant de grosses entreprises considérées comme sensibles et pouvant porter atteinte à la sûreté de l’État, les « grandes oreilles » des RG, grâce à leur maillage régional, se penchent au chevet des petites et moyennes entreprises innovantes, susceptibles de faire l’objet d’actions hostiles. « Une centaine de fonctionnaires ont déjà été formés pour vérifier systématiquement, lorsqu’une entreprise de pointe est en difficulté, si elle a fait l’objet d’une attaque d’un concurrent », explique un haut fonctionnaire.
Au terme de sept mois d’investigations, la sous-direction de l’analyse et de la prospective des RG a dressé, en octobre, un bilan confidentiel. Au total, 934 entreprises sensibles ont été suivies dans le cadre d’éventuelles « débauches de cadres détenant un savoir-faire », de « piratages ou de vols d’ordinateurs », « d’actions de lobbying offensif », de « rumeurs d’appartenance sectaire pour exclure un concurrent d’un appel d’offre » ou encore « d’infiltrations par le biais de stagiaires étrangers ».
Le premier tri effectué par les services de renseignements révèle que 158 PME/PMI présentent des « signes de vulnérabilité » et que 87 d’entre elles font l’objet « d’actions hostiles signalées ». La métallurgie, l’agroalimentaire, l’informatique, la chimie-plasturgie et le nucléaire figurent en tête du palmarès des secteurs les plus touchés.
Cannibalisme du savoir-faire
Dans ce phénomène de cannibalisme croissant du savoir- faire français, les RG épinglent la « pénétration chinoise » dans les entreprises nationales. « Ainsi, deux entreprises calaisiennes de dentelle ont été visées, assurent-ils. L’une, par le débauchage de deux de ses cadres, des créateurs attirés par des salaires nettement supérieurs à ceux proposés par leur employeur qui travaillent désormais à leur domicile sur Internet, respectivement pour une grande entreprise chinoise et pour un groupe thaïlandais. » L’autre société, après l’injection de 15 millions d’euros en juin dernier par son nouvel actionnaire, le numéro deux chinois du textile Bogart Lingerie Ltd (basé à Hongkong), aurait vite déchanté : un tiers de ses effectifs a été supprimé, le président a été licencié et seul le département recherche et création a été conservé à Calais.
Dans le même esprit, les RG évoquent une société girondine spécialisée dans la fabrication de pièces en aluminium ayant fait « l’objet de plusieurs tentatives de déstabilisation par l’un de ses anciens dirigeants ». En cherchant notamment à obtenir auprès de ses anciens collaborateurs des « renseignements confidentiels concernant des contrats et des conditions tarifaires » ainsi qu’en « détournant une partie de son personnel au profit de sa propre société chinoise », le cadre indélicat a fragilisé son entreprise d’origine. Désormais, celle-ci prêterait le flanc à une OPA.